En République démocratique du Congo, la Chine a mis la main sur “l’or bleu”, et les “forçats du cobalt”, dont 40 000 enfants, ramassent les miettes

 

En RDC, la ville de Kolwezi est surnommée “la capitale mondiale du cobalt”. Pourtant, cet “or bleu” ne profite pas à la population locale, à qui les compagnies minières chinoises ne laissent que des miettes. Pourquoi le pays a-t-il abandonné à une puissance étrangère tout un secteur de son économie ? Extrait d’un reportage à voir dans “Envoyé spécial” le 30 mars 2023.

Pour passer aux énergies propres, selon l’Agence internationale de l’énergie, les besoins mondiaux en cobalt, un minerai indispensable à la fabrication des batteries électroniques, vont être multipliés par vingt dans les deux prochaines décennies. Quatre-vingts pour cent de la production mondiale provient de la République démocratique du Congo, où la transition énergétique est loin d’être la préoccupation première.

Dans le sud du pays, Kolwezi est surnommée “la capitale du cobalt”. La ville est dévorée par des mines à ciel ouvert, exploitées principalement par des compagnies chinoises. Cette richesse ne profite pas aux habitants, dont les trois quarts vivent sous le seuil de pauvreté. Au pied du remblai en béton qui protège l’une de ces installations minières, des “creuseurs” congolais ramassent les miettes de “l’or bleu”, accroupis dans l’eau boueuse avec des tamis de fortune. Pour obtenir 1 kilo de minerai, il faut compter 20 kilos de gravats. A Kolwezi et dans ses environs, il y aurait environ 250 000 “forçats du cobalt”.

Deux kilos de cobalt à la place du cartable

Parmi eux, selon les Nations unies, se trouveraient 40 000 enfants. Leur famille n’a pas les moyens de les envoyer à l’école alors au lieu d’un cartable, ils portent un sac rempli de cobalt. Comme tous les “creuseurs”, ils n’ont d’autre choix que d’aller le vendre, pour moins d’un euro le kilo, dans des entrepôts tenus par des intermédiaires chinois. Des dizaines de milliers de tonnes en partent chaque année vers la Chine, pour se retrouver un jour dans les batteries du monde entier. Le quart de la production de cobalt du Congo serait écoulé de cette manière. 

Les journalistes d'”Envoyé spécial” ont accompagné les enfants jusqu’à l’entrepôt. En l’absence de réponse à leurs demandes de tournage, ils ont filmé la suite en caméra cachée.

Des compagnies minières sous la protection de l’armée

Le secteur est quadrillé par les forces de l’ordre. Les journalistes sont vite repérés, amenés au poste de contrôle. Quatre soldats sont dépêchés pour les escorter jusqu’au quartier général du renseignement militaire – et pour les éloigner ainsi d’un lieu qui pourrait cacher un scandale d’Etat ? 

Pourquoi ces compagnies minières sont-elles sous la protection de l’armée ? Pourquoi la RDC a-t-elle abandonné aux étrangers tout un secteur de son économie ? Des soupçons de corruption pèsent sur certains dirigeants congolais : les concessions minières auraient été vendues à la Chine à prix cassés, en échange de pots-de-vin. Le montant de cette corruption s’élèverait à 4 milliards de dollars.

Extrait du reportage “Les damnés du cobalt” à voir dans “Envoyé spécial” le 30 mars 2023